Pierre Boisson, journaliste du magazine
SO FOOT a réalisé une superbe interview de Cristovão Tezza auteur de la nouvelle une question de principe du recueil le
Football au Brésil.
Voici quelques extraits qui nous ont le plus marqués. L’interview est disponible en intégralité sur le site de
sofoot.com Quelle relation existe-t-il entre littérature et football au Brésil ?
Pendant longtemps, la littérature a rejeté le football, le considérant comme un sport fondamentalement populaire et dont on ne pouvait donc pas parler littérairement. Il y a une phrase de Nélson Rodrígues, l’un des grands écrivains brésiliens, qui exprime parfaitement l’élitisme de la littérature brésilienne : « L’écrivain brésilien ne sait pas tirer un corner. » Après, l’utilisation du football par la dictature militaire, notamment pendant la Coupe du monde 1970 pour dissimuler ses actes, a créé un mal-être profond parmi les intellectuels et la gauche. On ne pouvait plus regarder le football car, d’une certaine manière, cela revenait à supporter le régime en place. Alors que secrètement, tout le monde aimait le football et supportait son équipe ! Aujourd’hui, la culture élitiste et la culture populaire se sont rencontrées autour du football. Tostão, le grand attaquant de l’équipe de 70, écrit par exemple toutes les semaines dans La Folha de Sao Paulo, le plus important journal du Brésil, avec grande finesse. Ce n’est plus un problème d’écrire sur le football. Récemment, Sérgio Rodrigues a publié “O Drible”. C’est un roman magnifique, sur la relation entre un père et un fils autour d’une crise footballistique et d’un grand joueur qui n’a pas réussi. C’est magnifique.
Tu n’as donc pas de complexe à t’asseoir sur ton canapé pour regarder un match de foot ?
Mon cas est très particulier car j’ai un fils trisomique et le football a été très important pour son développement personnel, dans plein d’aspects : la socialisation, l’alphabétisation, le rapport au temps. La seule chose qu’il arrive à écrire, ce sont les noms des clubs de football. Si tu viens chez moi, il va tout de suite te demander de quel club tu es car, pour lui, le monde se divise en clubs, pays, drapeaux et hymnes nationaux. Pareil, le temps était abstrait pour lui. L’idée d’un hier et d’un demain était problématique. Le football lui a permis d’organiser le temps : il sait qu’il y a un championnat qui a un début et une fin, un match le dimanche, etc. Parfois cela peut le déprimer. Récemment, des supporters se sont entretués et Felipe, mon fils, était très nerveux face à cette violence. Pour moi, le football, c’est regarder un match avec mon fils. Et l’Atlético Paranaense, c’est mon côté irrationnel.
C’est la première fois que tu écris sur le foot et tu l’as fait en prenant le point de vue d’un arbitre. Qu’est-ce qui t’intéressait dans la figure de l’arbitre ?
L’écrivain ne se libère jamais de ses fantômes. Un des grands thèmes sur lesquels j’écris est la question de la morale, de l’éthique. La question de l’individu face à la pression sociale. Au moment d’écrire sur le football, j’ai voulu réfléchir au désespoir de l’arbitre confronté au devoir permanent d’être juste, et les conséquences personnelles que cela peut entraîner. J’ai imaginé une situation initiale avec un arbitre obsessivement correct qui se retrouve à arbitrer son ennemi intime. Cela pose un problème moral à l’arbitre : peut-il ne pas être juste ?
Propos recueillis par Pierre Boisson