Nous avons déjà mentionné le nom d’Eliane Brum, journaliste et écrivaine brésilienne que nous apprécions beaucoup et qui écrit régulièrement sur la violence sociale dans les favelas.
A l’occasion de la Coupe du Monde de 2014, Brum se rend à Fortaleza pour relater l’action d’une ONG locale qui tire les enfants de la rue en leur offrant un repas et un terrain de football pour jouer. Mais l’article écrit pour la Folha de São Paulo se concentre sur sa rencontre avec Vinicius, quinze ans, habitant d’une favela et enfant des rues depuis l’âge de huit ans. Voici quelques lignes traduites, extraites du premier paragraphe :
Là où il vit, à Canindezinho, dans la favela de Bom Jardim à Fortaleza, la balle peut interrompre une existence en une seconde. L’équipe brésilienne joue aujourd’hui dans la ville de Vinicius pour tirer des buts et gagner la victoire. Vinicius fait aussi partie de l’équipe brésilienne, mais celles des enfants qui ont joué en avril pour la Coupe du Monde des Enfants des Rues. Vinicius tire des buts gagnants tous les jours. Et son plus grand but est de se réveiller vivant.
Brum se heurte à la question du langage lui permettant d’échanger avec le jeune homme, de le comprendre et de traduire son témoignage. « Je ne parlais pas son portugais », écrit-elle dans sa chronique « Limites du langage » publiée dans la version brésilienne d’El Pais.
Je n’atteignais pas la richesse de sa langue portugaise, qui rendait compte d’un Brésil divers, avec des mots nés d’ici même. Des expressions nées de la nécessité de rendre compte d’une réalité où il était nécessaire, par exemple, de nommer le moment-limite où la gâchette de l’arme est enclenchée mais la balle de sort pas. Mais cela allait au-delà. J’ai mis du temps à le lire. J’étais analphabète de lui.
L’article met en lumière la langue idiosyncratique, vivante et riche des « autres » brésiliens, aux couleurs de peaux, aux histoires, aux mots et aux accents différents. « La littérature est l’expérience de l’altérité, qui ne se complète que dans l’incomplétude réfléchie par le regard d’autrui. »
C’est à cette ouverture qu’invite les éditions Anacaona en faisant découvrir la littérature de la « marge » brésilienne qu’elle soit sociale, régionale, urbaine, rurale, à la fois résistante et d’avant-garde.
Pour poursuivre la réflexion sur la place du football dans la vie des Brésiliens, retrouvez le recueil de nouvelles Le football au Brésil, Onze histoires d’une passion.
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