Par Stéphanie Hardoin
Voilà une production comme on les aime : Favela Chaos, une bande-dessinée choc qui traite de la délinquance au Brésil. Pour ce projet inédit, le brésilien Ferréz, chef de file de la littérature marginale, s’est associé au dessinateur et journaliste Alexandre de Maio.
De Maio au dessin et Ferréz à l’écrit… ça donne une œuvre puissante et moderne !
Très rythmé, à l’image d’un slam, d’un rap ou d’une poésie de rue, Favela Chaos aborde les problématiques sociales et politiques chères à Ferréz… La rime a remplacé la prose, la sonorité est de rigueur : une vraie valeur ajoutée ! Quant aux dessins d’Alexandre de Maio, ils sont saisissants de réalisme et aident à se projeter dans la lecture.
Bonne pioche pour Ferréz : les deux artistes passionnés de hip hop combattent les mêmes injustices avec des armes différentes mais complémentaires. A la plume de Ferréz répondent les coups de crayons d’Alexandre de Maio. Le mélange des deux nous transporte dans la favela de Capão Redondo, à Sao Paulo. Favela renommée pour sa dangerosité, Capão Redondo est aussi le lieu de vie de Ferréz qui lutte quotidiennement pour y faire éclore des perspectives d’avenir. Car… à Capão Redondo, « l’innocence se perd tôt », et c’est ce que déplore l’écrivain des marges.
Favela Chaos a plus de ressources que ses seuls dessins, ses rimes et son message ! A la fin du livre sont publiés des chiffres sur la situation à São Paulo. Sans surprise, ces « données sur le chaos » se révèlent affligeantes. Racisme anti-Noir et bavures policières règnent en maîtres, les plus touchés étant les jeunes de 15 à 20 ans… Etonnant pour un pays qui compte plus de 50% de Noirs dans sa population ! Triste constat : les meurtres ont même augmenté depuis 2013, signe que la sonnette d’alarme n’a toujours pas été tirée. Favela Chaos est, malheureusement, dans l’air du temps… Terriblement dur, réellement chaotique.
Dans cette bande-dessinée, Ferréz semble insinuer que le crime et la prison sont des étapes obligatoires dans la vie d’un favelado. Or, son expérience personnelle a prouvé le contraire. Bien qu’entouré de violence, il s’en est sorti avec brio, choisissant la voie alternative de l’écriture. L’écriture comme catharsis, comme planche de salut, comme moyen de riposte pacifique… « Ecrire est une arme », le crédo de la collection Urbana, n’a jamais été aussi approprié.
J’ai aimé la bande-dessinée Favela Chaos tout comme j’ai aimé le polar Manuel pratique de la haine, du même auteur. J’ai apprécié la poésie et la forme en bande-dessinée, qui sont d’autres façons de dénoncer les corruptions et bavures quotidiennes de la police (qui entretient la délinquance et s’enrichit grâce à elle…)
La bande-dessinée de Ferréz et Alexandre de Maio est un argument en faveur d’une éducation nouvelle dans les quartiers brésiliens défavorisés.
Introduire l’art sous des formes variées, en gardant la rue comme inspiration, fait partie du projet de Ferréz. Le hip hop et le dessin, mais aussi la danse ou la peinture peuvent agir comme des exutoires à exploiter pour mettre fin au chaos.
Stéphanie Hardoin est bloggeuse et étudiante en licence Information-Communication.
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