Ce damier coloré sur la couverture de “Pensée féministe décoloniale” vous dit quelque chose ?
Nous nous sommes inspirées du drapeau wiphala, symbole politique et culturel pour de nombreux peuples autochtones d’Amérique.
Wiphala signifie “la voix du triomphe fluctuant dans le vent” en langue aymara. Ces carrés de sept couleurs (normalement, il y en a 49, 7 colonnes de 7 carrés, c’est précis ! ) sont autant de symboles :
- blanc pour le temps et l’harmonie,
- jaune pour l’énergie et la force,
- rouge pour la Terre et la subsistance,
- orange pour la société et la culture de communauté,
- vert pour l’économie et la production,
- bleu pour l’espace cosmique et l’infini,
- violet pour la politique et les idéaux.
Les couleurs sont tirées de l’arc en ciel, décomposition de la lumière solaire.
Ces symboles regroupés forment une cosmogonie, une représentation du monde basée sur les valeurs de solidarité, de fraternité et de communauté, à laquelle s’identifient de nombreux peuples autochtones d’Amérique (Quechuas, Aymara, Guarani, etc.).
Un peu d’histoire…
Les origines de ce drapeau sont floues. Certains lui attribuent une origine inca – des tissus, pétroglyphes et céramiques arborant les couleurs de la wiphala auraient été retrouvés lors de fouilles archéologiques.
D’autres pensent que ce drapeau est apparu au 20e siècle, et qu’il fait partie de l’histoire moderne des peuples andins. En effet, le concept même de drapeau est européen et non américain. En outre, aucune pièce archéologique ne permet de confirmer avec certitude la présence de la wiphala dans ces cultures précolombiennes – les couleurs retrouvées sur certains artefacts pourraient simplement être tirées de l’arc en ciel, décomposition de la lumière solaire, sans se référer à un autre symbole.
Son histoire moderne remonterait alors en 1944, lors du premier Congrès national autochtone de Bolivie, où il a été décidé d’attribuer aux peuples andins un drapeau qui leur soit propre.
L’explosion iconographique de ce drapeau dans les années 1970 est liée aux mobilisations du syndicalisme rural et des mouvements autochtones en Bolivie et ailleurs.
Polémique…
En Bolivie, l’ancien président Evo Morales en avait fait un symbole officiel et l’avait même inscrit dans la constitution en 2009. Au début des années 2010, le drapeau wiphala flottait partout – sur le devant des bâtiments officiels, en écusson cousu sur les uniformes des forces de l’ordre… Au point que drapeau et parti se sont confondus…
Et c’est bien dommage qu’un homme et un parti se soient accaparés ce beau symbole, au point aujourd’hui de le décrédibiliser – avec la chute et l’exil de Morales, des wiphalas ont été brûlées…
Ici, nous ne rentrons pas dans ces polémiques ! Nous avons fait sur notre couverture un clin d’œil au wiphala, pour montrer l’importance de la représentation politique des peuples autochtones, et saluer leur mobilisation, leur lutte et leur résistance face aux pratiques de domination politico-économiques modernes. C’est aussi un symbole de la diversité culturelle ou, plus précisément, de l’égalité et de l’unité dans la diversité.
La couverture est signée © Julie Abricot.