Blog

Un monument, symbole colonisateur, en plein São Paulo

J’étais à São Paulo en décembre dernier… J’ai décidé d’aller me promener au parc d’Ibirapuera, que j’adore, et suis passée, comme toujours, devant cette énorme statue. Je suis passée devant des dizaines de fois sans jamais m’interroger… Et cette fois-ci, ça m’a sauté aux yeux 🙂  

Hum… Étonnant ce monument aux Bandeirantes devant mon parc préféré de São Paulo… Pour ne pas dire indécent ou immoral. Les bandeirantes étaient ces aventuriers, explorateurs de l’intérieur du Brésil au 17e et 18e siècles, qui capturaient les autochtones pour les esclaviser, raflaient toutes les richesses naturelles, colonisaient l’espace pour agrandir les frontières du pays, etc. Des voleurs, des violeurs, des assassins qui ont exterminé des centaines de milliers d’autochtones. Présentés ici comme des héros nationaux porteurs de civilisation : la plaque dit « Gloire à nos héros »… Et derrière eux, la corde au cou, des esclavisés fugitifs et des autochtones. Gravé dans la pierre, tout un symbolisme colonisateur…

“Quel type de société fait l’éloge d’un génocide devant ses survivants ? Ce monument représente les massacres qui ont été pratiqués dans le passé contre notre peuple, et qui continuent dans le présent. Il représente la mort.”

le chef autochtone Marcos Tupã

Nous devons nous questionner sur ces monuments/noms de rues qui font l’hommage de personnages polémiques de notre histoire. Doivent-ils être retirés ou ressignifiés avec un travail d’explication ? En tout cas, il faut ouvrir le débat.

PS : Ce monument, réalisé par Victor Brecheret, a été inauguré en 1954 pour commémorer les 400 ans de la ville de São Paulo.

PS 2 : cet article, originellement posté sur Facebook, a suscité pas mal de commentaires ! Doit-on juger une œuvre a posteriori avec notre regard moderne ? Doit-on déboulonner les statues, au risque d’effacer une partie de l’histoire – certes non glorieuse, mais qu’il convient de ne pas oublier ? Et qu’en est-il de la France, avec sa station de métro Dugommier (un esclavagiste convaincu), ses rues de la Rochelle aux noms d’armateurs de navires négriers, etc, etc… Affaire à suivre…

PS 3 : On se rappelle qu’aux Etats-Unis, en 2015, c’est la décision de déboulonner une statue polémique (et le refus par certains) qui avait déclenché des émeutes raciales à Charlottesville… Preuve qu’on touche à un sujet sensible…

PS 4 et ensuite j’arrête : Cette statue se trouve devant l’une des entrées du magnifique parc Ibirapuera, en plein coeur de São Paulo… Que je vous recommande chaudement, vous ferez une bien belle balade, au milieu des joggeurs, des skateurs, des promeneurs de chien…


Le parc d’Ibirapuera : un délice le week-end… Il cache également le Musée Afro-Brésil, à voir.

 

Si la pensée décoloniale vous intéresse

Paula

Recent Posts

Quoi de neuf cet été 2024 ?

Quelques nouvelles de notre été 2024... Ne manquez pas notre série de l'été en podcasts,…

4 mois ago

Thamy Ayouch, pour une psychanalyse intersectionnelle et située

Thamy Ayouch a été assigné comme homme, prescription à laquelle il s’identifie, bien que de…

4 mois ago

Le Monde et la presse parlent de Larissa Bombardi

Plusieurs médias, dont Le Monde, louent le travail de Larissa Bombardi et la qualité des…

6 mois ago

Bela Gil, cheffe et activiste pour une alimentation saine

Qui est Bela Gil, l'autrice de notre nouvel essai, Qui va faire à manger ?…

7 mois ago

Les féminismes d’Abya Yala

Les références associées à notre podcast sur les féminismes d'Abya Yala / Amérique centrale et…

8 mois ago

« J’ai peur de rentrer au Brésil », confie Larissa Bombardi

Larissa Bombardi revient sur ses recherches qui l'ont menée à l'exil forcé, et parle de…

11 mois ago