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Les années Collor, une économie cassée

Un livre c’est un univers – et un livre brésilien, c’est un univers particulier, parfois proche, parfois lointain… C’est l’occasion de découvrir une culture, une histoire. Nous avons vu dans un autre article que les années 90 sont marquées au Brésil par une explosion de la violence : Au suivant, un roman sur les années 90 au Brésil. En plus d’une forte vague de violence, le Brésil a connu également une crise économique sans précédents. Découvrez-la !

Les années Collor, une économie cassée

Après la période dictatoriale que vit le Brésil entre 1964 et 1985, les Brésiliens se retrouvent dans un contexte économique et social des plus compliqués : une hyperinflation, une dette extérieure exorbitante, des inégalités et injustices sociales de plus en plus évidentes.

Le président José Sarney (1985-1990) échoue dans ses différents plans économiques mis en place pour tenter de contrôler l’inflation du pays. Incapable d’améliorer la situation du Brésil et de résorber la dette extérieure, son administration sombre dans l’inertie et l’impopularité. Son mandat présidentiel se finit dans un climat malheureux : la révélation de toute une série d’affaires de corruption et de détournements publics au plus haut niveau de l’État. Accusé de détournement dans la construction de la voie ferrée Brasilia-Maranhão, l’entourage du président est mis en cause par les plus grands quotidiens du pays.

Les représentants de l’État sont discrédités et les Brésiliens sont méfiants. Fernando Collor, jeune gouverneur de l’Alagoas, l’un des États les plus pauvres du Nordeste, profite de l’occasion pour lancer une campagne « Mains propres », une campagne anticorruption dans le gouvernement. Collor acquiert en quelques mois une envergure nationale.

Donnant l’image d’un homme nouveau et moderne, Fernando Collor enflamme les imaginations lorsqu’il lance la chasse aux fonctionnaires absentéistes ou parasites. Il reçoit un soutien important de la part des élites et des moyens de communication du pays, notamment de la télévision Globo, la première chaîne de télévision au Brésil. Un soutien qui se justifie par la peur d’une éventuelle victoire d’un candidat de gauche – le populiste Brizola ou le syndicaliste… Luiz Inácio “Lula” da Silva.

Comme Collor boycotte tous les débats auxquels il est invité, le grand public ne connaît de lui que ses quelques slogans de campagne. Il se défend d’être de droite, s’entoure d’une équipe d’économistes progressistes, appelle de ses vœux un État minimum, exige la renégociation de la dette et se présente comme le candidat de la société civile contre les oligarchies.

“Cet homme neuf appartient pourtant à une vieille famille de l’élite, propriétaire d’un puissant groupe de presse régional. Petit-fils de ministre et fils de gouverneur, il a commencé sa carrière politique sous les auspices du régime militaire qui l’avait nommé maire de Maceió.” (B. Bennassar et R. Marin, Histoire du Brésil 1500-2000)

Collor emporte la présidentielle sur Lula au second tour, le 17 décembre 1989. Dès le lendemain de sa prise de fonctions, il annonce un programme drastique : amaigrissement de l’État pour assainir les finances publiques et limiter l’inflation, équilibre du budget, diminution des effectifs des administrations, privatisations.

La mesure la plus polémique de son gouvernement est certainement le gel de l’épargne et des dépôts des comptes courants dont le solde était supérieur à 50 000 cruzados (800 euros). Il installe aussi diverses mesures libre-échangistes et enlève ainsi une partie du soutien que l’État apportait aux entreprises nationales. Avec la baisse considérable des tarifs douaniers, le Brésil se voit inondé par les marchandises importées.

La suppression de divers emplois publics et privés et le non-paiement de la dette extérieure ne sont que quelques éléments qui ont contribué à discréditer Collor.

Manifestation pour la destitution du président Collor. “Dégage Collor”

“A partir du deuxième trimestre de 1992, au rythme de révélations en cascade, le pays entre, incrédule d’abord, surpris ensuite, révolté enfin, dans le « Collorgate » : détails scabreux sur l’intimité présidentielle, appropriation indue des fonds de la Légion brésilienne d’assistance par la première dame qui en est la présidente d’honneur et, surtout, découverte d’un gigantesque réseau de corruption et de trafic d’influence  au bas mot, 330 millions de dollars auraient été extorqués aux entreprises désireuses d’obtenir des marchés publics, des fonds qui transiteraient sur des ‘comptes fantômes’ avant d’achever leur circuit dans les poches du président et de son entourage.” (B. Bennassar et R. Marin, Histoire du Brésil 1500-2000)

Une procédure de destitution (impeachment) est engagée pour renverser Collor, mais à l’ouverture de la session extraordinaire du Congrès, le 29 décembre 1992, où les parlementaires devaient se prononcer sur sa destitution, le président présente sa démission. Le vice-président Franco prête alors serment comme président de la République. Le lendemain, Fernando Collor est jugé par le Sénat et déchu de ses droits civiques pour huit ans, pour corruption passive. Mais en 1994, son procès pour corruption est classé sans suites…

Le Brésil s’enfonce de plus belle dans la crise.

L’inflation est galopante. Pour une grande partie de la population, il vaut mieux laisser l’argent à la banque car dans la rue, un billet se dévalorise plus vite qu’une glace qui fond… (Au suivant, p. 133)

Au Suivant évoque également, très brièvement, un épisode de violence policière qui a marqué les années 90 : le massacre de Candelaria. Un épisode tragique qui a marqué la société brésilienne. Découvrez-le ici.

Dossier spécial sur Au suivant, d'Henrique Rodrigues

Paula

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