Anacaona a suivi et applaudi le lancement en septembre dernier de la São Paulo Review, revue littéraire collaborative sur la littérature mondiale, qui nous a récemment honoré d’un article sur la démarche éditoriale de Paula, les projets en cours et à venir. Nous avons demandé au fondateur de la revue, le journaliste et écrivain brésilien Alexandre Staut, de nous parler des motivations de la revue et de la place de la littérature brésilienne à l’international.
Qu’est-ce qui t’a amené à créer et participer à la São Paulo Review ?
Initialement, je voulais créer une page internet pour publier mon travail de fiction, avec quelques nouvelles et des extraits de romans. Peu à peu, j’ai pensé que ce site pourrait être amplifié en invitant des amis à écrire également, et au cours de ma recherche, j’ai vu qu’il y avait une opportunité au Brésil de proposer une publication plus fournie avec des extraits originaux, des discussions sur la littérature, les comportements qui y sont associés et la critique.
L’idée de la revue était née, dont le nom tient à celui des autres grandes publications : New York Review of Books, Paris Review, London Review, Dublin Review… Pour professionnaliser ce projet et intégrer des perspectives différentes des miennes, j’ai demandé à l’écrivain et éditrice Viviane Ka de me rejoindre. D’autres conseillers éditoriaux proposent des suggestions de lectures, d’auteurs et d’articles.
La São Paulo Review s’attache à des horizons littéraires très larges, les auteurs mentionnés ont des origines géographiques variées. Comment définirais-tu la ligne éditoriale de la revue ?
Quand j’ai réfléchi au comité éditorial de la revue, j’ai fait en sorte de réunir des personnes qui vivent dans plusieurs régions du Brésil. L’écrivain Maria Valéria Rezende soumet des suggestions d’auteurs venant de l’Etat de Paraíba, Kiko Sucupira et Gisele Ferreira portent la vision de la campagne de São Paulo, tandis que Marta Barbosa Stephens Fabiana Gitsio et Leonardo Tonus apportent un regard extérieur au Brésil, chacun vivant respectivement en Angleterre, en Argentine et en France. Toutes ces personnes sont passionnées par leurs missions, avec un oeil sensible et à l’écoute de ce qu’il se passe dans le monde littéraire.
Par ailleurs, un des objectifs de la revue est d’absorber la diversité culturelle mondiale, tant via des auteurs reconnus qu’inconnus à partir du moment où on leur reconnaît un travail poétique et littéraire. Par exemple, nous avons publié l’extrait de l’incipit de dernier livre de Paul Auster, mais aussi les poèmes de Jaime Rafael Mugambe, poète mozambicain qui n’a pas encore publié et que personne ne connaît au Brésil.
Qu’est-ce qui distingue la São Paulo Review d’autres revues littéraires sur internet ?
D’abord, il me semble que la SPR ne se cantonne pas à parler uniquement de littérature mais aussi de comportements liés à la littérature. La semaine dernière, je me suis entretenu avec la chanteuse auteur et compositrice Marina Lima. Elle est une grande figure de la musique brésilienne et j’ai voulu savoir quels étaient ses écrivains préférés, comment le monde littéraire inspire ses chansons et ses paroles. D’un autre côté, la SPR s’inspire beaucoup des sites et revues déjà existants comme la “Revista Pessoa”, le “Portal Cronópios”, et le journal “Rascunho” dont le site est très bien fait.
D’après toi, comment le contexte politique et économique actuel au Brésil influence la production littéraire ?
Je pense qu’aujourd’hui, il est plus facile de publier, être publié ou s’auto-publier, grâce aux programmes et financements de la Biblioteca Nacional, aux prix attribués par les gouvernements des Etats, aux appels à projets de niveau fédéral. Tout cela contribue à la visibilité et à la valorisation de la littérature brésilienne. Personnellement, j’ai remporté deux appels à projets pour publier mon livre et cela a été une stimulation très importante pour mon travail. De même, l’association du gouvernement brésilien avec la Foire du Livre de Francfort et le Salon du Livre de Paris est un moteur essentiel pour la production nationale, qui fonctionne à pleine vapeur, portée par des auteurs de différentes générations.
En tant qu’écrivain, quelle différence cela fait de travailler et produire en Europe ?
J’ai habité presque quatre ans en France, entre la Bretagne, la Normandie et la région de la Loire. Mon premier roman, je l’ai commencé en 2005 à Arromanches-Les-Bains, inspiré d’“Un Pedigree” de Patrick Modiano que je lisais assis sur les falaises, admirant le paysage et pensant à ma propre famille issue de la diaspora juive. Ce livre, publié en 2010, s’intitule “Jazz band na sala da gente” (Jazzband dans notre salon) et c’est une biographie romancée de mon grand-père, un musicien juif aux origines allemandes, installé dans la campagne de São Paulo.
Parfois je m’interroge : si j’étais un auteur français ou portugais, mes livres seraient-ils publiés plus facilement ? J’aurais plus de lecteurs ? Je n’ai pas de réponse à ces questions. Pour moi, l’écriture naît du désir de communiquer. Peu importe l’endroit où je me trouve, je prends un mégaphone et j’essaie d’entrer en contact, au Brésil, en France, où que ce soit dans le monde. Il suffit que deux ou trois personnes s’arrêtent sur mon chemin pour échanger avec moi, et j’aurais gagné mon pari.