Dans notre série sur la dictature militaire du Brésil (1964- 1985), réalisée à l’occasion de la sortie du polar Révolution au Mirandão, voici la traduction d’extraits d’un article de Rodrigo Menegat, de l’agencia publica
Les rues baptisées en hommage aux bourreaux de la dictature et aux responsables du régime sont présentes dans tout le pays
La petite rue de moins de 200 mètres, dans le centre-ville de São Paulo, qui porte le nom de Vladimir Herzog, le journaliste torturé et assassiné par la dictature militaire, est une exception : la majeure partie des rues qui portent le nom des personnages de cette période rendent hommage aux dictateurs et à leurs collaborateurs.
On ne compte plus les avenues Président Castelo Branco, baptisées ainsi en référence au général qui prit le pouvoir lors du coup d’Etat de 1964 [São Paulo, Rio de Janeiro, Fortaleza, etc.]
Dans tout le Brésil, de nombreuses rues portent le nom des personnages les plus sombres de l’histoire du pays, y compris des 377 responsables de tortures et assassinats nommément désignés par la Commission nationale de la vérité, qui a enquêté sur les crime de l’Etat pendant cette période. Pour preuve :
Mais ce n’est pas qu’en nombre de kilomètres que les rues portant le nom de généraux et de responsables sont plus visibles que les rues qui rendent hommage à leurs victimes.
Il y a également une différence géographique et symbolique.
Alors que de grandes routes comme l’avenue Castelo Branco et le pont Costa e Silva [nom officiel du pont Rio-Niteroi, du nom du 2e président de la dictature] célèbrent le régime militaire, les lieux de mémoire de la résistance se concentrent dans les zones périphériques et plus pauvres. À São Paulo par exemple, la majorité des rues qui rendent hommage aux victimes sont concentrées dans les régions pauvres de la Zone Nord (Jova Rural) et Zone Sud (Grajau). Le même phénomène se produit à Rio de Janeiro, où les rues qui rendent hommage aux militants de la résistance sont situées dans le quartier ouvrier de Bangu.
Les noms changent peu à peu – mais lentement. Le Minhocão, sorte de périphérique très connu des Paulistas, s’appelait depuis sa construction l’Elevado Costa e Silva. En 2016, il a changé de nom et s’appelle dorénavant l’Elevado Presidente João Goulart [dernier Président de la République à gouverner avant le coup d’Etat de 1964].
Une dictature toujours vivante
Autre preuve que ce passé ne se cantonne pas au nom des rues et revient régulièrement à la surface : lors de la destitution de la présidente Dilma Rousseff, le député Jair Bolsonaro a voté en déclarant :
Pour la petite info…. Bolsonaro rendait ici hommage au commandant du DOI-CODI de São Paulo, centre de torture contre les opposants au régime entre 1970 et 1974. Ustra, mort il y a 2 ans “sans aucun regret”, est considéré comme l’un des agents les plus violents des forces de répression de la dictature. Ses victimes parlent de chocs électriques, d’insertion de rats dans le vagin des prisonnières, parfois devant les enfants ou les conjoints des opposants. Dilma Rousseff a passé plusieurs mois dans les geôles du DOI-CODI dans les années 1970. [évoquer son bourreau lors de sa destitution était donc particulièrement symbolique]En mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, la terreur de Dilma Rousseff, je vote oui [à l’impeachment]
Aujourd’hui, Bolsonaro, candidat à la présidence, apparaît en 2e place dans les intentions de vote, derrière l’ancien Président Lula.
Les éditions Anacaona ont traduit cet article de Rodrigo Menegat, disponible en VO sur le site de l’agencia publica