Rodrigo Ciríaco est un écrivain et professeur brésilien. Il enseigne dans des écoles publiques à São Paulo depuis 2004. Au Brésil, il a déjà écrit et publié divers recueils de nouvelles, son genre littéraire par excellence, et en France il a publié chez Anacaona dans Je suis favela, Je suis toujours favela et Le football au Brésil. Il sera aussi parmi les auteurs de la nouvelle anthologie sur les favelas, Je suis encore favela, qui paraîtra en avril 2018.
Découvrez le style et le parcours de cet écrivain et professeur convaincu que la littérature est avant tout un jeu et une manière d’agir sur la réalité.
Un style réaliste et urbain
Le verbe frappant, cru et oral de Rodrigo fait écho aux réalités quotidiennes et dures dont il est témoin, notamment de la violence institutionnelle du système éducatif brésilien. Il affectionne particulièrement les nouvelles – ce style littéraire si prisé des auteurs sud-américains. Pour une raison très simple : avec ses élèves et son public de jeunes lecteurs, il faut taper vite, et fort. Face à cette génération hyper-connectée, c’est dans les trois premières minutes qu’il faut capter leur attention – sinon ils zappent… L’écrivain n’hésite pas à déclamer ses poèmes au microphone, dans la rue !
Son salaire mensuel était inférieur à ce que la famille dépensait hebdomadairement en voyages, courses et futilités, mais Elle ne le savait pas. De la même façon, Elle faisait semblant de ne pas voir que la salle de bain de sa patronne était plus grande que sa chambre case-nègre, ou que parmi les cinq chambres de l’appartement, la sienne était la seule dont la télé n’était pas reliée au câble. Elle s’en fichait. Extrait de « Mère à louer », Je suis toujours favela, 2014.
Un acteur de premier plan dans l’effervescence de la littérature périphérique
Les périphéries sont le terreau d’expressions libres et vivantes auxquelles Rodrigo participe et qu’il stimule. Fondateur du collectif littéraire Mesquiteiros formé par des jeunes et des adolescents, il organise plusieurs « saraus » – des performances théâtrales ou poétiques, ouvertes à tous – pour faire connaître et vibrer la culture dite « marginale ».
Les saraus sont un mouvement artistique et culturel étudié dans le monde entier. Selon de nombreux spécialistes, c’est le mouvement culturel le plus important des 25 dernières années au Brésil, une révolution prenant place dans l’espace public, et qui peut être comparée à celle de 1968 en Europe.
Avec ce « parler écrit », les auteurs des saraus revendiquent et déclament une autre langue, qui a échappé à l’encadrement de la norme et témoigne de la violence sociale présente jusque dans l’expression populaire.
Rodrigo est un auteur de premier plan dans cette dynamique. À cet égard, il a été invité officiellement au Salon du livre de Buenos Aires avec tout un groupe d’auteurs périphériques (photo ci-dessous).
J’ai découvert Rodrigo sur Internet, par l’intermédiaire de son blog, en 2009… J’ai tout de suite adoré la rage de son écriture, les thèmes qu’il évoque – et j’ai pressenti le grand écrivain engagé qu’il pouvait devenir. Il fait partie des auteurs brésiliens sur lesquels je parierais le plus dans les dix prochaines années. À sa manière jeune et urbaine, avec cette indignation qui l’étrangle et le fait avancer, il a l’étoffe et le charisme d’un futur grand. (Paula Anacaona)
Le parcours littéraire de Ciríaco
Ce jeune auteur a écrit sa première nouvelle lors d’un atelier d’écriture organisé par Marcelino Freire, écrivain brésilien reconnu qui parle aussi des marges sociales sans fard et sans détour. Freire lui a donné ce conseil : « Toutes les histoires dont tu es témoin dans ton école sont une matière fantastique que tu peux utiliser pour écrire. »
Rodrigo l’indigné a donc pris la plume. Il comprend qu’une élève est abusée sexuellement chez elle : cela donne la nouvelle « Cervelle frite » (Je suis favela). Comment faire comprendre la réalité d’un gamin impliqué dans le trafic de drogues et persuadé que c’est la seule voie possible ? Écrire « J’suis qu’un ouf » (Je suis favela). Et quand il lit dans le journal qu’un sans-abri est mort de froid dans la rue à São Paulo, il se met à sa place dans « Vagabond » (Je suis toujours favela). Il y aussi des histoires remplies d’espoir, comme cette jeune fille transformée par la littérature et dont il témoigne en écrivant « Poétesse » (Je suis toujours favela).
La jeune fille harcelée par la méchanceté de ceux qui maltraitent les autres pour se valoriser s’était transformée. (…) Aujourd’hui, on la montre du doigt : « Regarde, mec. Cette meuf, elle te couche des textes, c’est de la balle. Une vraie mitra-lettre. Elle est poétesse. C’est du lourd. » Quand elle marche dans le Quartier, elle ne descend plus du trottoir : on lui ouvre le cercle pour la laisser passer. Sur les réseaux sociaux, ses poèmes sont commentés. Les gens les publient, les partagent. On lui a même demandé de participer à une anthologie de poésie. Les gens prennent des selfies avec elle. Extrait de « Poétesse », Je suis toujours favela, 2014.
Rodrigo a autoproduit ses deux premiers recueils de nouvelles (Te Pego Lá Fora paru en 2008 et 100 Mágoas en 2011) et un recueil de poésie (Vendo Pó…esia, 2014) au graphisme novateur, les vendant dans la rue, à la criée, à prix libre. Au total, plus de 5000 exemplaires de Te pego là fora ont été écoulés ! Aujourd’hui ce premier recueil de nouvelles, lancé il y a 6 ans, a été racheté par une grande maison d’édition brésilienne, DSOP, et lancé en novembre 2014 pour une distribution à échelle nationale.
Dernièrement, Rodrigo participe au projet Literatura Ostentação avec les poètes et acteurs Daniel Minchoni, Renan Inquérito et Luiza Romão. Il s’agit d’une performance poétique proposée lors de la 9ème « Balada Literária », festival littéraire annuel qui se tient à São Paulo et qui réunit écrivains brésiliens et du monde entier. Les quatre déclameurs construisent un spectacle devant et avec le public. Prenant sa source dans le hip-hop et le slam, la Literatura Ostentação revendique l’action transformatrice de l’éducation, de la poésie, du jeu littéraire et de la culture des rues qu’elle veut rendre ostentatoire, par le biais de performances et réunions poétiques et publiques.
Regardez Rodrigo réciter “J’suis qu’un Ouf !”. Pensez à activer les sous-titres en français.
Bibliographie francophone:
- Je suis favela, 2011, Editions Anacaona
- Je suis toujours favela, 2014, Editions Anacaona
- Le football au Brésil, 2014, Editions Anacaona
- Je suis encore favela, sortie prévue avril/2018
Rencontres à venir :
Mars 2018
Rencontres passées :
Retrouvez ici les dates pour rencontrer Rodrigo en France en mars 2015
En savoir plus sur le séjour de Rodrigo en France et en Belgique en mars 2013