La découverte du quai de Valongo
4 millions d’Africains arrivés au Brésil
Nous avons reçu récemment à Paris l’auteure Conceição Evaristo, et à cette occasion-là nous avons discuté, entre autres, de l’héritage de l’esclavage dans la société brésilienne. La nouvelle qui vient de tomber il y a quelques jours fait écho aux thématiques abordées par Conceição Evaristo dans son œuvre :
[ps2id id=’valongo’ target= »/]L’Unesco consacre le quai de Valongo dans le centre de Rio de Janeiro, Patrimoine mondial de l’humanité, en souvenir des 900.000 esclaves africains débarqués au Brésil
L’Unesco a inscrit dimanche 09 juillet 2017 sur sa liste du Patrimoine mondial le site archéologique du quai de Valongo, à Rio de Janeiro.
Le quai de Valongo, qui a fonctionné pendant trois siècles, est le plus grand point d’entrée des esclaves africains au Brésil.
Le Brésil, principale destination des esclaves africains dans les Amériques
Après le long voyage à travers l’Atlantique, les captifs africains étaient gardés dans la zone du quai pour reprendre du poids et être lavés avant de pouvoir être vendus sur les marchés d’esclaves. Cependant, beaucoup n’ont pas survécu et ont été enterrés dans un cimetière situé à proximité (voir article plus bas)
Pour l’historienne Katia Bogea, présidente de l’Iphan :
Le quai de Valongo mérite de figurer à côté des lieux de mémoire tels que Hiroshima ou Auschwitz-Birkenau, pour nous obliger à nous souvenir de ces périodes de l’histoire de l’humanité qu’il est interdit d’oublier. »
L’anthropologue Milton Guran déclare à l’AFP :
C’est un mémorial unique, contenant les derniers vestiges de l’arrivée des esclaves. »
Il s’agit de la trace physique la plus importante liée à l’arrivée des esclaves africains sur le continent américain.
Le quai du Valongo avait progressivement disparu sous terre au gré des rénovations du quartier et se trouvait sous plusieurs couches de revêtements. Le site archéologique a été mis au jour en 2011, par des fouilles effectuées avant les travaux de revitalisation de la zone portuaire, un des projets-phare menés en lien avec les jeux Olympiques de 2016.
Ce quai est le pendant de l’île de Gorée : classée au patrimoine mondial en 1978, l’île sénégalaise est reconnue comme le point de départ emblématique des esclaves africains vers l’Amérique.
[ps2id id=’4millions’ target= »/]Plus de quatre millions d’esclaves venus d’Afrique
Les esclaves ne restaient pas longtemps à Rio. Une fois vendus, ils étaient rapidement acheminés vers les moulins de canne à sucre du Nordeste, les mines d’or du Minas Gerais ou les plantations de café de la région de São Paulo.
Les chiffres sont difficiles à établir avec précision, mais la plupart des historiens s’accordent à dire que le Brésil est, de loin, le pays qui a reçu le plus d’esclaves d’Afrique (bien plus que les Etats-Unis ou les Caraïbes), avec plus de quatre millions d’individus, soit environ 40% de la traite totale vers les Amériques. Le Brésil a été l’un des derniers pays à abolir l’esclavage, en 1888.
La présence du quai de Valengo sur la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO est donc une grande victoire pour la mémoire de la diaspora africaine. Une visite obligatoire à Rio ! 🙂
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[ps2id id=’question’ target= »/]Autour de la question :
L’Institut des Nouveaux Noirs (IPN), musée-cimetière d’esclaves, est contraint de fermer ses portes, en raison de la suppression de sa subvention par le gouvernement de Michel Temer
Transformé en musée-cimetière en 2005, ce mémorial sans équivalent présentait un nombre estimé de 50 000 cadavres d’esclaves lors de sa découverte.
En 1996, en réalisant des travaux de rénovation dans le jardin de Merced Guimarães, les ouvriers tombent sur des empilements osseux. Cette Brésilienne pense d’abord à des restes d’animaux. Mais en y regardant de plus près, elle comprend qu’il s’agit d’ossements humains. Sans le savoir, au 36 rue Pedro Ernesto, dans le quartier de Gamboa à Rio, elle venait de mettre la main sur le plus grand cimetière d’esclaves des Amériques. Selon l’archéologue Reinaldo Tavares, interrogé par l’AFP, cette fosse commune aurait servi de 1769 à 1830. Et si l’on ne sait pas exactement combien de corps gisent dans ses entrailles, les estimations les plus prudentes affichent 50 000.
L’indéniable succès de cet Institut n’a pas empêché le gouvernement de Michel Temer de supprimer sa subvention à compter du mois de juillet, invoquant la « récession économique ». D’après les propos recueillis par l’AFP auprès du secrétaire général du musée, Antonio Carlos Rodrigues :
Le gouvernement brésilien n’a pas et n’a jamais eu aucun intérêt dans ces questions-là. Le problème n’est pas la crise financière d’aujourd’hui. Cela dure depuis des années. »
Obtenue seulement en 2013, l’aide étatique s’élevait à 9 000 réais (2 600 euros) mensuels, soit une dotation annuelle de 31 000 euros. Pas de quoi inverser la crise financière brésilienne ! Suffisamment, en revanche, pour empêcher le lieu d’exister et la mémoire de se perpétuer. Car sans subvention, impossible de payer les factures, d’assurer les frais d’entretien, et d’accueillir régulièrement des classes d’élèves. […]
Sources :
Le site Internet de l’IPN (Institut de recherche et de mémoire des Nouveaux Noirs) – Nouveaux Noirs, Pretos Novos, était le nom donné aux jeunes esclaves fraîchement débarqués à Rio.
L’article complet de Jeune Afrique sur le musée IPN. L’article de la BBC et l’article de France TV Info sur le quai de Valongo.
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