Un livre au hasard, une passion pour la vie…
Otávio Júnior avait seulement 8 ans lorsqu’il retrouve, par hasard, un livre dans une décharge dans la favela où il habite depuis sa naissance. Cet évènement a marqué son histoire et est devenu pour lui le moment où tout a commencé. En lisant le livre qu’il avait trouvé, Otávio se laisse imprégner par la magie de la lecture et veut découvrir d’autres livres, d’autres histoires, d’autres aventures.
Otávio se met alors à fréquenter assidûment les bibliothèques publiques de la ville de Rio et devient de plus plus un passionné de livres. Dès le début de son adolescence il participe déjà à saraus, des manifestations littéraires, où les gens parlent de poésie, de lecture, enfin, des plaisirs procurés par la littérature.
À l’âge de 16 ans, Otávio Júnior, se donne pour objectif le partage de cette passion avec les enfants de sa favela, et c’est à ce moment-là où le conteur d’histoire se révèle chez lui. Poussé par le désir de partager sa passion par la lecture, il élabore et met en place le projet « Théâtre à l’école » pour représenter ses propres pièces dans les écoles du quartier. Avec quelques livres dans sa valise et beaucoup de motivation en lui, il va dans les écoles de sa favela et propose aux directeurs la permission de jouer les pièces qu’il avait lui-même écrites sur l’importance de la lecture auprès des enfants.
Otávio, le libraire de sa favela
Avec le projet « Théâtre à l’école », où il représentait ses propres pièces dans les écoles du quartier, Otávio essaie de rassembler de plus en plus de livres pour sa petite bibliothèque itinérante. Sa valise, qui lui servait à mettre les livres qu’il trouvait ou qu’on lui offrait, l’accompagnait dans toutes les écoles où il allait représenter ses pièces de théâtre et lire des histoires aux enfants.
Le principe est simple : attirer l’attention des enfants et ensuite leur présenter quelques livres, les laisser libre pour choisir ceux qu’ils veulent, sans l’obligation de les lire pour en faire un devoir, seulement les lire par le plaisir ! Et pour attirer les enfants vers les livres, tous les moyens sont bons et Otavio a plein d’astuces, comme distribuer des bonbons, organiser des goûters… leur poser des devinettes, leur lire une histoire… Aux débutants, il donne des livres de moins de 30 pages, pour ne pas les décourager. À ceux qui sont déjà plus à l’aise avec la lecture, des livres plus gros et qui montent en complexité.
Par ailleurs, Otavio a remarqué que les enfants de son quartier en sont souvent prisonniers, et qu’ils n’en sortent quasiment jamais. Pour élargir les horizons des enfants, son projet inclut aussi des activités culturelles hors de la communauté : visites à la Bibliothèque nationale du Brésil, sorties cinéma, etc.. À travers les livres, Otavio veut faire voyager, ouvrir les horizons, monter que la littérature est un chemin – souvent sans retour – vers une multiplicité d’univers. D’ailleurs, comme le dit souvent Otávio, cette multiplicité d’horizons est ce qu’il manque dans la vie de ces enfants qui sont trop ancrés dans leur réalité de la favela.
J’arrivais dans les favelas avec une valise remplie de livres, je mettais une nappe par terre sur laquelle je les arrangeait…Lorsque je préparais ce décor qui était pourtant très simple, je voyais à chaque fois les enfants porter un regard émerveillé sur la couverture des livres, les couleurs, les images…
Le rêve d’Otavio, cet auteur-conteur, devient réalité en 2011, lorsqu’il inaugure la première bibliothèque de la favela de l’Alemão – un quartier qui comprend pourtant 70 000 habitants ! C’est la mini-bibliothèque Hans Christian Andersen, un petit espace de 20 m², mais qui a été aménagé pour être accueillant et convivial. Murs, chaises, bancs, gros poufs de toutes les couleurs contribuent à l’ambiance joyeuse de cette petite bibliothèque. Sans oublier les étagères remplies : le ministère de la Culture a donné… 1200 livres !
Aujourd’hui, l’action du rêveur Otavio est très concrète : plus de 10 000 enfants ont été concernés par son projet. Mais son ambition ne s’arrête pas là : il voudrait voir une bibliothèque à chaque coin de rue. Pour cela, comme il le dit, « il faut passer le relais ». Son nouveau projet est maintenant de former d’autres libraires de la favela, pour continuer son travail.
« Mon histoire est un conte de fées qui se passe dans une favela » dit celui qui est aujourd’hui reconnu au Brésil et à l’étranger.
Je souhaite faire découvrir aux enfants la magie de la littérature. J’envisage pour l’avenir une communauté lectrice, où on puisse discuter de littérature dans les foyers, dans les places, dans les écoles…
Et à force de tant lire, il se dit un jour : pourquoi ne pas écrire ?
Otávio Júnior, écrit son premier roman, Le libraire de la favela, en 2010, 10 ans après avoir commencé le projet de promotion de lecture dans les favelas “Complexe de l’Alemão” et “Complexe de la Penha”.
Ce jeune auteur, comme beaucoup d’autres auteurs qui débutent dans le milieu littéraire, a eu des difficultés à trouver une maison d’édition pour publier son roman, mais il n’a pas baissé les bras pour autant. Grâce à des bourses, il suit de nombreuses formations (théâtre, cinéma, littérature – plus de 40 au total !), pour apprendre et se perfectionner en permanence. C’est un véritable autodidacte !
Et surtout, il a ce rêve, depuis toujours : agir pour sa « communauté ». En effet, Otavio regrette que les enfants des favelas aient souvent pour héros les trafiquants – il est vrai que ce sont eux qui ont les plus beaux vêtements, les plus belles voitures. Otávio Júnio a donc aspiré à inverser les valeurs. Contre tout et contre tous, il croit au pouvoir du livre pour transformer la vie.
L’histoire de sa passion pour la lecture et son engagement dans la promotion de la lecture dans des favelas de Rio, des communautés qui souvent n’ont pas accès aux livres, sont l’objet de ce premier roman d’Otávio Júnior, Le libraire de la favela, roman qui est devenu une source d’inspiration pour beaucoup de lecteurs brésiliens et étrangers qui croient au pouvoir de la lecture et de la littérature.