« Nos pas viennent de loin »… Une phrase qui résonne souvent lors des manifestations féministes et antiracistes au Brésil. Une façon d’honorer ceux (et celles, surtout) qui nous ont précédés et qui ont lutté avant nous. Voici la traduction d’un article paru sur le site de Geledes, disponible en VO ici.
Le visage de Dona Maria Soares, surnommée Dona Santinha, est devenu un symbole de résistance pendant les manifestations de dénonciation de l’assassinat de Marielle Franco en 2018. Du haut de ses alors 93 ans, juché sur un camion, elle criait : « Je sais qui a tué Marielle. C’est le système qui a tué Marielle, le système qui a armé la main du tireur pour taire une voix qui défendait les minorités ».
Maria Soares est désormais célébrée et photographiée lors des manifestations. Cette reconnaissance de la rue a également pris un caractère officiel – elle a été décorée de plusieurs titres et médailles remises par la ville de Rio de Janeiro.
Maria est de toutes les manifestations, autant que son état physique le permet – manifestations féministes, antiracistes, LGBT, contre les privatisations, les expulsions… Maria pense avant tout au collectif, et sort de sa propre bulle pour embrasser toutes les causes. Mais le point de départ de sa trajectoire militante fut une tragédie personnelle : la mort de son frère.
Affilié au parti communiste, traqué, arrêté de nombreuses fois pendant la dictature militaire, le frère de Maria est mort en 1984 – peu de temps avant le rétablissement de la démocratie au Brésil.
« Quand il est mort, je lui ai promis de continuer la lutte. J’ai été voir le parti communiste, mais je l’ai trouvé très rigide, et moi j’aime bien être libre. Je me suis finalement affiliée au PDT (Parti démocratique travailliste) » raconte la militante.
Née le 19 avril 1924 dans le Minas Gerais, Maria Soares n’a jamais entendu parler ni de féminisme – d’ailleurs, les femmes n’auraient le droit de vote qu’en 1932, alors qu’elle avait 8 ans – ni de racisme pendant son enfance. Pourtant, les inégalités la dérangent très tôt. « Laisse donc, Dieu sait ce qu’il fait » répondait sa mère face à ses questions… Maria s’éloignera plus tard de la religion : « Je ne suis plus d’accord avec ce Dieu auquel j’ai cru pendant longtemps« . « Aujourd’hui, je me sens dans l’obligation de me racheter et d’aider les autres, comme la communauté LGBT. Lorsque j’étais religieuse, j’étais contre l’homosexualité. Aujourd’hui, je suis main dans la main avec cette communauté« .