Le mouvement Armorial : le mélange des arts
Après le mouvement régionaliste des années 1930, qui évolue pendant les années 1940 et 50, voit le jour à partir des années 1960 un autre mouvement culturel : le mouvement Armorial.
Dans la littérature Armoriale, l’attention n’est pas autant portée sur la réalité, comme chez José Lins Do Rego ou Rachel de Queiroz par exemple. Il y a certes un certain réalisme dans les situations et les dialogues, mais c’est une littérature qui regorge de signes et d’insignes, traversée par un souffle épique, accompagnée d’une magie et d’un mysticisme romanesques. On peut également comprendre ce mouvement comme l’affirmation d’une authenticité nordestine brésilienne face à une globalisation envahissante.
« Raimundo Carrero a l’esprit âpre et magique des auteurs populaires du Nordeste. Il manie une prose qui semble taillée au canif, faisant surgir du bois, à chaque encoche, le rouge du sang. Un univers étrange et poétique. Quel est le secret de Carrero ? » (Ariano Suassuna, préface de Bernarda Soledade, Tigresse du Sertão)
Les deux écrivains les plus connus de ce mouvement sont donc Ariano Suassuna (membre de l’Académie brésilienne des Lettres) et Raimundo Carrero, mais aussi, un peu moins connus, Osman Lins ou Hermilo Borba Filho.
Le style Carrero
Raimundo Carrero ne cherche pas à reconstituer une quelconque réalité historique ou géographique. Le sertão brésilien, omniprésent dans son oeuvre, est mystifié, magnifié.
Dans Ombre sévère par exemple, toute référence temporelle ou spatiale a été retirée. Le style et l’intrigue sont d’un ascétisme biblique – et les références à la Bible omniprésentes : l’assassinat de Caïn par Abel ; l’immolation du mouton ; la stérilité de la vieille Sara puis sa grossesse ; la trahison de Judas ; la lutte entre la lumière et les ténèbres. Mais Carrero mêle les univers chrétiens et païens, le profane et le sacré. Porté par son imaginaire poétique, il utilise le langage mystérieux de la cartomancie, la symbolique du Destin – tout en décrivant également une réalité bien prosaïque, celle d’une société patriarcale médiévale, où les hommes règlent leurs conflits par la violence et où les femmes n’ont pas leur mot à dire.
L’occasion de relire la belle préface de Bernarda Soledade, Tigresse du Sertão, écrite par Ariano Suassuna, dans laquelle il revient sur les bases du mouvement Armorial, comme point de repère du nouveau régionalisme brésilien.
En savoir plus : Les arts plastiques dans le mouvement Armorial
Dans la littérature Armoriale, et dans la plus pure tradition du cordel, les textes sont toujours illustrés de xylogravures, des gravures sur bois, très stylisées, comme par exemple celles de Gilvan Samico. Voyez plutôt :
L’édition française des romans de Carrero, cherchant à reproduire cet esprit et à mêler les arts, est donc logiquement illustrée de gravures inédites de l’artiste plasticien Fernando Vilela, qui apporte ainsi une modernité au mouvement armorial.
En savoir plus : la musique dans le mouvement Armorial
La musique Armoriale remet au goût du jour la flûte pífano, la viole du sertão, la guitare ibérique, l’accordéon, le rebec, le marimbau du Nordeste – certains instruments rappelant donc les instruments hindous ou arabes, dont la présence est si importante dans le Nordeste, du fait de l’héritage ibérique médiéval.
Pour vous donner une idée… Un album complet du Quinteto Armorial :
Il y a beaucoup à découvrir dans le mouvement Armorial… Et quel dépaysement !