Alors que nous nous intéressons à l’appropriation culturelle, à l’occasion de la sortie du livre de Rodney William sur ce thème, voici un exemple d’appropriation culturelle : la capoeira gospel. [Traduction partielle d’un article de BBC News Brésil écrit par Mariana Schreiber disponible ici]
Il y avait le berimbau, le tambour atabaque, la ginga et les sauts mortels. Tout portait à croire que nous étions dans une ronde de capoeira typique, mais au lieu des chants exaltant les orixas ou faisant référence à la culture noire, nous avons entendu des cantiques acclamant Jésus Christ, le jeu étant interrompu ici et là par des moments de prière et d’oraison.
La capoeira évangélique, également appelée capoeira gospel, est un courant qui gagne de plus en plus d’adeptes au Brésil, surtout par le biais d’anciens maîtres de capoeira qui se convertissent à la religion évangélique.
Autrefois pourtant, la capoeira rencontrait de nombreuses résistances au sein des églises. Mais « aujourd’hui, il est rare dans une ronde de capoeira de ne pas avoir un capoeiriste évangélique, et de nombreux capoeiristes sont même devenus pasteurs. C’est un super instrument d’évangélisation, car il est gai, décontracté, bon pour la santé, avec des avantages sociaux » affirme Elto de Brito, fidèle de l’église chrétienne évangélique du Brésil.
Des tensions entre les évangéliques et le mouvement Noir
Cependant, cette pratique est critiquée par les capoeiristes traditionnels et le mouvement Noir, qui y voient une forme d’appropriation culturelle et constatent l’effacement des racines afrobrésiliennes de la capoeira – pratique surgie comme force de résistance chez les esclaves, à partir du 18e siècle. Par ailleurs, ils soulignent chez les adeptes de la capoeira gospel un discours de « diabolisation » de la capoeira traditionnelle et des religions du candomblé et de l’umbanda.
Le Collège de la culture afrobrésilienne, qui fait partie du Conseil national des politiques culturelles du ministère de la Culture brésilien, a dénoncé en mai 2017 la capoeira gospel et « l’expropriation des expressions culturelles afrobrésiliennes ». Dans une lettre officielle, les signataires reconnaissent que les fidèles de tous les cultes peuvent pratiquer la capoeira, mais en respectant la tradition.
La capoeira, qui par le passé était interdite, a été désignée en 2014 Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Elle est directement liée à des pratiques ancestrales africaines.
Pour l’anthropologue Maria Paula Adinolfi, « il est impossible d’empêcher la capoeira gospel, mais nous cherchons à renforcer les actions qui relient la capoeira à sa matrice africaine », en la considérant comme « une politique de réparation du processus d’effacement de la mémoire afrobrésilienne et du génocide du peuple noir. »
« La capoeira gospel me semble être une stratégie de plus de ces groupes religieux pour occuper des espaces et gagner des adeptes, et je ne vois pas comment les arrêter, c’est impossible de leur interdire la pratique de la capoeira », observe Matthias Röhrig Assunção, professeur d’histoire à l’université d’Essex, Angleterre.
Certes, la pratique de la capoeira est déjà passée par de nombreuses transformations depuis sa naissance. Il y a aujourd’hui plusieurs courants : la capoeira d’Angola, considérée comme la plus proche de l’originale, la capoeira régionale, ou la capoeira contemporaine. Avec la capoeira gospel, ce ne serait ainsi pas la première fois que des groupes s’approprient cette pratique. « Le Brésil est un pays laïc. Chacun a la liberté de faire de la capoeira de la façon dont il l’entend », argumente Ricardo Cerqueira, défenseur de la capoeira gospel.
Une position que critique le babalorixa Rodney William ! Certes, tout le monde a le droit de pratiquer la capoeira – mais en respectant son origine et ses traditions, et en reconnaissant le rôle culturel et historique qu’elle a pu jouer auprès de la communauté noire.
Retrouvez les autres articles autour de l’appropriation culturelle dans notre dossier spécial.
[Retrouvez l’intégralité de l’article de BBC News Brésil écrit par Mariana Schreiber ici . Photos issues de cet article.]
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Bonjour, j'aimerais savoir comment partager ce thème sur whatzapp.
Eu me chamo Inês Da Silva e moro em Bordeaux. Avec d'autres brésiliens nous avons créée l'association Avenida do Brasil - AVBR e ça nous interesse. Nous travaillons pour diffuser la culture brésilienne et nous voulons lutter contre l'appropriation religieuse de notre culture.
Nous allons participer de la Semaine de l'Amérique Latine et Caraïbes et organisons une journée entière avec des ateliers, conférence, danse dos orixas, cuisine, soirée brésilienne.
Cet article me fais bondir et me laisse préoccupée, nous devons lutter contre ça!