L’enfant des rues brésilien né sous une mauvaise étoile
Par Stéphanie Hardoin
Comment préserver l’innocence d’un enfant dans une société où l’empathie, le respect et la solidarité ont disparu ? En lisant le roman du brésilien Plinio Marcos, on se demande si ces qualités humaines ont existé dans la vie de Kéro, l’enfant des rues brésilien né sous une mauvaise étoile.
Plinio Marcos, dans cette œuvre tristement réaliste, s’est fait le porte-parole des parias ; éternels ignorés car présumés mauvais, infréquentables et poissards, la faute à leur pénible situation transmise de génération en génération, comme une fatalité.
Le roman Kéro, un reportage maudit n’est pas un conte de fées. Il n’est pas là pour distraire mais pour témoigner, dans le but de déranger. Témoigner de la vie dans le Brésil des années 1970. Témoigner sans artifice d’une vie brutale, amère,
Témoigner de la lente et douloureuse mise à mort d’une partie de la jeunesse brésilienne.
Voici donc les mésaventures de Kéro, vilain petit canard, impulsif et la rage au ventre. La misère dès la venue au monde, l’humiliation jusque dans le prénom, les injustices et tromperies quotidiennes, l’abus sexuel, la corruption policière, la peur et la haine… Ces ingrédients constituent inévitablement le combo parfait pour une existence anéantie, une descente aux enfers sans issue de secours. Et, pour parler de descente, encore faut-il avoir connu une certaine hauteur ! Kéro fait partie de ces gens qui n’ont pas eu la chance de pouvoir s’élever. « Ça a dû être un vautour qui s’est occupé de tracer ma ligne de chance. » Son histoire nous interpelle et remet brutalement les pendules à l’heure ; elle ferait d’ailleurs relativiser les plus pessimistes d’entre nous !
Outre le style très cru employé par l’auteur, Kéro, un reportage maudit est une œuvre bouleversante qui m’a profondément touchée. Le message – empreint de détresse – véhiculé au moyen du jeune héros m’a alarmée, me faisant prendre conscience du problème irrésolu de la violence pour certaines couches sociales brésiliennes. J’en suis même presque parvenue parfois à le comprendre. Comment aurions-nous agi si nous avions vécu le quart de ce qu’a supporté Kéro ? Cela questionne les seuils de tolérance de la souffrance humaine…
L’engagement de Plinio Marcos lui a d’ailleurs coûté cher. L’écrivain a subi de nombreux rejets, écopant d’une sombre réputation dans les années 1970-1980, d’où son surnom d’artiste maudit… Néanmoins, Kéro, un reportage maudit est aujourd’hui un livre culte au Brésil, preuve que les mentalités ont changé et sont prêtes à accepter les réalités les plus sombres.
Reste à trouver des solutions pour empêcher que d’autres enfants ne subissent la déchéance de Kéro. Ecrire – pour s’en sortir – en est une première.
Ecrire est une arme, slogan de la collection Urbana, porte bien son nom.
Stéphanie Hardoin, bloggeuse, est étudiante en licence Information-Communication.