Rencontre avec Paula Anacaona, qui revient sur son coup de coeur
La volonté de cette métisse franco-latina ? Publier, comme elle le dit, “des romans-témoins, des livres qui ont la rage au ventre” et réconcilier culture urbaine et littérature. Portrait.
Anacaona, c’est toi ?
C’est avant tout une immense figure symbolique pour toute l’Amérique latine et les Caraïbes : Indienne, première victime et première résistante à l’ordre imposé par les Espagnols au moment de l’arrivée des conquistadors, elle prend la tête de l’insurrection et soulève son peuple contre l’envahisseur. Pendue en 1503, elle devient l’emblème des trahisons et des brutalités qui président à l’installation des Européens aux Amériques.
Accessoirement, c’est aussi moi ! 33 ans, traductrice et grosse lectrice, avec une prédilection pour les auteurs engagés: Edward Bunker, Iceberg Slim, Zola, Jorge Amado, James Ellroy, Dostoïevski et Zadie Smith, pour ne citer qu’eux…
Les débuts ?
Tout part d’un énorme coup de coeur. La lecture de ce livre, conseillée par mon ami Paulo Lins, [l’auteur de La Cité de Dieu] a été un électrochoc. Dès lors, je n’ai eu qu’une envie, faire découvrir ce livre aux français !
C’est cette association de dialogues de la rue, d’écriture tout à la fois romanesque, documentaire et émotionnelle qui m’a séduite. La construction, mûrement réfléchie, ne laisse rien au hasard.
Ferréz a créé sa propre langue, son propre style – un style tendu comme un arc, chargé comme un fusil d’assaut, précis, réaliste et profondément poétique.
Et aujourd’hui les éditions Anacaona ?
J’ai ressenti l’envie de monter ma maison d’édition car j’ai toujours regretté, en France, de voir peu d’héroïne de fiction jeune, urbaine, cosmopolite, métisse pas forcément mannequin ou chanteuse, assise entre deux chaises, le cœur balançant entre deux pays. La problématique autour de cette bi-culture, de ces interrogations identitaires – enrichissantes et parallèlement schizophréniques – se reflètera clairement dans mes choix éditoriaux.
Par ailleurs, la violence urbaine, le narcotrafic, la délinquance juvénile sont des thèmes qui me sont chers parce que je viens d’un continent où ces problèmes ont pris des proportions démesurées et que je ne suis pas satisfaite de leur traitement dans les médias – violence glamourisée, vision romantico-mafieuse du narcotrafic.
Enfin, et c’est le plus important, j’aime les romans-témoins, le talent romanesque au service d’une cause, en bref, j’aime lorsque l’écriture a la rage au ventre.
Le Manuel Pratique de la Haine était tout trouvé pour initier notre collection.
Pourquoi des illustrations ?
Pour adapter les livres à notre mode de vie actuel, nous, les mégalopolitains de la génération hip-hop et graffiti. Pour renouer le lien entre culture urbaine et littérature : celle-ci s’est trop éloignée de ses jeunes lecteurs de la rue.
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