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Pourquoi écrire sur Maria Bonita et Jorge Amado ?

Maria Bonita – Les défis de l’écriture de ce livre :

Le défi était de faire plonger rapidement le lecteur dans un univers totalement inconnu. C’est le propre de la littérature, mais j’avais ici très, très peu de mots et un lectorat jeune.

Le paysage géographique de l’histoire : le sertão, la caatinga, la serra… cela n’évoque rien pour un jeune Français. Quand un Brésilien voit immédiatement cela :

La caatinga brésilienne, écosystème du sertão

le Français n’aura pas d’évocations particulières. Il me semblait donc important, dès le début du livre, de planter le décor, avec cette superbe illustration de Mauricio sur le sertão qui ouvre le livre, puis sur une petite ville.

Quid du paysage culturel : paysans, coronéis, cangaceiros… Quand le Brésilien voit cela :

Le cangaceiro Corisco prend la pause

Cela n’évoque rien pour un petit Français. Il a fallu l’expliquer en quelques lignes et en quelques dessins, là encore fidèles à la réalité :

Dans ce livre, j’ai surtout mis l’accent sur le couple que Maria formait avec Lampião.

L’écueil aurait été de faire une biographie de Lampião, car Maria Bonita est toujours restée dans son ombre, c’était « la Maria de Lampião ».

Mais cette collection des éditions A dos d’âne se veut être une source d’inspiration, un exemple pour les enfants. À la différence de Lampião, la non-violence de Maria est avérée : elle a toujours été en retrait dans les combats armés, et avait une présence pacificatrice et apaisante sur son mari. Elle portait une arme, dont elle se servait pour alerter la bande, mais elle n’a jamais tué personne.

Le livre est écrit de façon chronologique, en petits chapitres : la rencontre, Lampião roi du sertão, la fugue, Expédita, Combat, Tendresse, adieu. Dans 3 chapitres, j’ai donc insisté sur son côté humain – loin de l’animal que les troupes gouvernementales cherchaient à présenter – son désespoir, son côté maternel. Dans 2 chapitres, j’ai insisté sur leur quotidien de guerriers/guerrilleros. Enfin, j’ai voulu parler de la violence de sa fin, y compris post-mortem. Comment l’évoquer avec pudeur, sans enjoliver la réalité ? J’ai donc choisi mes mots avec soin : j’ai certes parlé de « scalps », mais j’ai fait réciter une prière à Maria « Adieu la vie »…

Ce qui m’intéressait chez Maria Bonita, c’était de voir le désespoir créé par l’injustice. Que fait le peuple quand on le pousse à bout, lorsqu’il n’entrevoit aucun futur ? Dans un sertão en manque de modèles, les hors la loi deviennent des héros.

Je me suis toujours représenté les cangaceiros comme des guérilleros avant l’heure. Leur rébellion n’est-elle pas un acte de résistance, illégal mais indispensable, quand l’injustice est trop criante ? L’Histoire abonde de révoltés qui ont conspiré contre l’ordre établi, à tort ou à raison. Certains ont été glorifiés en héros national, d’autres non ; la lutte de certains aura été bénéfique pour leur peuple et leur pays, pour d’autres elle aura été vaine. En cela, l’action des cangaceiros a-t-elle réellement changé les choses dans le Nordeste, remis en cause l’ordre des coronéis et autres grands propriétaires ? Pas sûr…

Une Maria Bonita féministe sans le savoir :

« Maria étouffe, elle a envie de faire éclater sa tête comme une noix. Elle se sent prise au piège, engluée dans sa vie comme une mouche. (…)

Maria est fascinée par les cangaceiros, parce qu’ils sont fiers et n’ont peur de personne. Ah, ils sont bien différents du paysan en guenilles du sertão, qui baisse les yeux et ôte son chapeau devant les puissants ! Il faut que Maria trouve un moyen d’exprimer sa révolte. Elle a envie d’envoyer valdinguer cette vie. Avoir une tripotée d’enfants accrochés à ses jupons, balayer, nettoyer, préparer la pitance du cochon et la gamelle des hommes, bêcher la terre le dos courbé, est-ce cela la vie qui l’attend ? La faim, la sécheresse, l’asservissement : voilà le futur du paysan du sertão ! Et dans ce monde machiste, les femmes, soumises au bon vouloir des hommes, sont encore moins bien loties. »

Enfin, l’histoire de Maria Bonita et Lampião c’est aussi une histoire d’amour sincère. Une histoire un peu à la Bonnie & Clyde… Romantique par son désespoir et sa fin tragique.

C’est une belle histoire malgré les ambiguïtés du cangaço et de Lampião. Le bandit pouvait se montrer extrêmement généreux mais aussi extrêmement cruel. Et rien de moins sûr qu’il ait eu une vision politique globale – ce qui importait en premier lieu, c’était sa petite personne… Mais cela fera l’objet d’un prochain livre, sûrement ! 🙂

 

Jorge Amado

Pourquoi écrire sur lui ?

J’ai été séduite par la générosité qui a émaillé toute sa vie. C’est un homme qui a été entier dans ses engagements, dans ses amitiés, dans ses passions et sa compassion pour autrui. Une vie croquée à pleine dents, vécue à toute allure, qui a traversé le 20ème siècle et ses soubresauts comme une bourrasque.

Cette fois, à la différence de Maria Bonita, son univers n’est pas totalement inconnu. Au début de sa vie, il s’agit de grandes fermes et de travailleurs esclaves, de la ville de Salvador… L’illustratrice Lucia Hiratsuka a dessiné le cacao (peu de Français connaissent le fruit), quelques scènes à Bahia (marchés, église, vendeuses d’aracajé) pour planter là encore le décor.

L’écriture de ce livre :

Mon parti pris a été d’insister sur le début de sa vie, sa « première période » qui est pour moi la plus passionnante, la plus engagée socialement. C’est celle des « premiers romans d’un jeune homme révolté », puis du « grand écrivain engagé (titres des chapitres). Suite à sa déception vis à vis du communisme, il entame sa deuxième période créative, qui sera d’ailleurs celle de son succès planétaire : « écrire, c’est raconter des histoires ».

L’objectif de ce livre :

Faire redécouvrir Jorge Amado aux Français, car les plus jeunes connaissent davantage Gabriel Garcia Marquez et les auteurs du réalisme magique… Jorge Amado devrait être lu comme un classique. Il mérite sa place au panthéon des grands auteurs mondiaux !

Je ne peux évidemment que conseiller à la lecture : Teresa Batista, Les terres du bout du monde, Cacao, Capitaine des sables, Mar morto…

Maria Bonita, une femme parmi les bandits. Paula Anacaona et Mauricio Negro. Ed A dos d’âne, 7,50€. Vous pouvez l’acheter sur notre site !

Jorge Amado, un écrivain sur les terres du cacao. Paula Anacaona et Lucia Hiratsuka. Ed. A dos d’âne, 7,50€. Vous pouvez l’acheter sur notre site !

Enfin, un coffret réunissant ces deux livres plus un troisième sur Pelé, l’homme aux pieds d’or existe au prix de 22,50€.

Paula

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