Petit coup de gueule ! 😒 Un bel exemple de la nouvelle pensée réactionnaire… Caroline Fourest fait la promo de son nouveau livre, et dénonce pêle-mêle appropriation culturelle, universalisme, « identitarisme ». Elle met en avant son militantisme homosexuel comme un bouclier, « moi aussi j’ai vécu les discriminations »… sans voir qu’elle reproduit elle-même certaines oppressions. Elle ne réfléchit pas à sa place sociale dans un contexte d’hégémonie culturelle. Bref, je ne suis d’accord avec RIEN dans tout ce qu’elle dit… Par où commencer ?
* Fourest (et le journaliste P. Cohen, qui la soutient visiblement à 3000%) se plaignent que L’UNIVERSALISME serait devenu un « gros mot » dans certaines universités, que le « démon identitaire » fracturerait la gauche. Eh bien oui, nous voulons rompre avec l’illusion de l’universalité qui exclut. « Nous ne sommes pas dupes : lorsqu’ils disent qu’ils parlent de thèmes universels, et pas nous, nous savons très bien qu’ils ne parlent que d’eux-mêmes. » (je cite Djamila Ribeiro)
* Fourest critique ensuite L’UNIVERSITÉ : « On ne peut plus parler dans les universités, on est menacés physiquement ». « Nous sommes soumis à une terreur ». L’université refuserait de penser la nuance – alors qu’elle, journaliste bien éduquée, serait très « nuancée ». 😂
Je pense pour ma part que les départements de « cultural studies » bousculent l’hégémonie culturelle de l’Occident, et à raison. Nous n’empêchons pas d’autres acteurs de penser – mais nous nous demandons : est-il réaliste qu’un seul groupe social et qu’une seule région du monde (l’Occident) monopolise la production de savoir et la parole ? Eh oui, le monopole de la parole – masculine, occidentale, blanche – est aujourd’hui remis en cause. Beaucoup s’en réjouissent pour la cause féministe – sans voir les autres attributs de cette parole dominante. C’est le travers de nombreuses féministes : penser à la problématique du genre et de la classe – sans voir celle de la race, de la religion, ou de la position géopolitique (le Sud global par rapport au Nord impérialiste). Aujourd’hui, des groupes stigmatisés, systématiquement exclus, se mettent à revendiquer une participation dans la vie intellectuelle, sociale, politique. Et c’est tant mieux, ne vous en déplaise.
* L’APPROPRIATION CULTURELLE : Fourest est horrifiée par le fait que Katy Perry se soit excusée d’avoir porté des tresses… Elle a l’impression que Katy Perry « s’excuse presque d’être Blanche ». Pas du tout. Katy Perry avait porté des tresses africaines parce qu’elle trouvait cela joli – et n’avait pas réfléchi au symbole que ces coiffures peuvent représenter. [Et pour la petite histoire, elle avait aussi remercié Kim Kardashian – comme si c’était KK l’inventeuse de cette coiffure, ce qui été la goutte d’eau faisant déborder le vase.] Elle s’est depuis informée, a écouté, a appris – plutôt que de rester arc-boutée sur ses positions.
En réalité, la grande problématique de l’appropriation ne réside pas dans la pratique de porter ou non des dreadlocks ou des tresses, mais plutôt dans le fait de les adopter sans la moindre conscience de ce qu’ils signifient au-delà de l’esthétique, sans se soucier de leur valeur symbolique (religieuse ou spirituelle), dans leurs communautés respectives. Ces symboles reflètent une histoire de lutte et de résistance qui mérite la considération et le respect. L’appropriation culturelle est un thème bien plus sérieux que le fait de pouvoir porter ou non des tresses. Elle reproduit les logiques du capitalisme et est intrinsèquement liée au racisme – vous remarquerez d’ailleurs qu’elle est traitée avec le même mépris disqualifiant, avec des plaisanteries et des sous-entendus, laissant entendre que c’est un sujet mineur et qu’il y a « des choses plus importantes dans le monde ».
* Enfin, son argument ultime, c’est : « Imaginez la réaction des partisans de Trump en entendant cela ». Elle est bien bonne, celle-là. Surtout, ne rien dire, au cas où on en dérangerait certains 🤣 🤣 🤣
Pour ceux que cela intéresse, nous lancerons en avril un essai sur l’appropriation culturelle – 150 pages que sur ça, le bonheur de Caroline Fourest ! Ecrit par l’anthropologue Rodney William, il pose les bases d’une réflexion sérieuse.
Enfin, les livres de la féministe noire brésilienne Djamila Ribeiro sont à mettre entre toutes les mains pour une pensée véritablement décoloniale.