Analyse des photos ci-dessus : Pharrell Williams et défilé de Victoria’s secret. Se solidarisent-ils de la cause autochtone ? Et surtout, ont-ils le droit de porter cette coiffure probablement sacrée ou signe d’autorité ? Quelle est l’utilité de cette photo : se “déguiser” en Autochtone ? Faire “ethnique” ? Le sort des Autochtones s’en trouvera-t-il amélioré, leur culture mieux comprise ?…. A bien des égards, je trouve ces photos problématiques…
Je terminerai par cet extrait, où Rodney William reprend un article de la journaliste Eliane Brum, qui analyse de façon sensée l’épisode de Thauane : « Je perçois que je m’insère dans ce monde par l’expérience d’ “exister violemment”. Comme pour moi il est plus difficile de revêtir la peau d’une femme noire, parce qu’étant Blanche j’ai moins d’éléments qui me permettent de l’atteindre, je dois faire plus d’efforts. Pas parce que je suis une femme géniale – mais par impératif éthique. Et la meilleure façon que je connais pour atteindre autrui, surtout quand, pour des raisons diverses, cet autrui est différent de moi, c’est de l’écouter. Ainsi, quand j’entends dire que je ne devrais pas porter de turban parce que c’est un symbole culturel parmi d’autres pour les femmes noires, j’ai été les écouter. Je crois que c’est quelque chose que nous devons rétablir urgemment. Ne pas répondre à une interdiction par une exclamation : “Bien sûr que si, j’ai le droit !” mais plutôt par une interrogation : “Pourquoi ne puis-je pas ?”. Les réponses catégoriques, tout comme les certitudes, nous maintiennent à la même place. Les questions nous emmènent plus loin, parce qu’elles nous conduisent jusqu’à autrui. » (p.108)
Pour conclure, Rodney William définit donc essentiellement l’appropriation culturelle par :
- la présence de la domination ; et/ou
- l’effacement de l’origine du bien approprié ; et/ou
- une non-reconnaissance du droit d’auteur original (le peuple spolié reçoit un « hommage » tandis que l’entreprise spoliatrice gagne des millions en utilisant ce bien approprié) ; et/ou
- un non-respect des caractéristiques originales du bien approprié ; et/ou
- une méconnaissance de l’histoire du bien approprié, et du symbole (religieux, historique, culturel) qu’il peut constituer ; et/ou
- un manque de solidarité par rapport à la condition du peuple créateur du bien approprié.
Mais je vous laisse lire le livre… 😊
« Chaque individu doit assumer sa responsabilité pour ne pas produire des oppressions » souligne Rodney William. Pour ne pas offenser des peuples et leurs cultures, à nous de réfléchir avant d’agir, avec les bases conceptuelles offertes par ce livre ; à nous de poser la question aux personnes concernées, ou à un spécialiste, en cas de doute.
Anthropologue, docteur en sciences sociales, Rodney William associe à sa pensée des éléments de spiritualité afro-brésilienne (importance de la réciprocité, de l’échange, de la collaboration, de la circulation) à la réflexion de penseurs comme Abdias Nascimento, Kabengele Munanga, Frantz Fanon, ou Stuart Hall, ce qui en fait une réflexion tout à fait originale.
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